SJ - The Haunted Vagina - Carlton Mellick III

SJ. Pourquoi SJ ? Pour "Spoilons Joyeusement". Je lance ainsi une nouvelle rubrique sur ce blog, dans laquelle je présenterai des livres incongrus, peu connus et probablement non diffusés en France, mais qu'il peut être drôle de connaître. Ce seront les seuls articles avec spoilers de ce blog. J'éviterai cependant de révéler la fin.

J'ai découvert hier grâce à Tumblr, qui est décidément une réserve infinie de choses étranges et incroyables, un auteur du nom de Carlton Mellick III. Auteur américain à la bouille sympathique, il fait partie des meneurs du mouvement littéraire "Bizarro", qui, comme son nom l'indique, regroupe des écrivains qui publient des textes étranges voir absurdes. Le site internet du mouvement propose une description comparative.

Bizarro c'est comme :
- Franz Kafka qui rencontre John Waters
- Un Dr. Suess post-apocalyptique
[...]
- Alice au Pays des Merveilles pour adultes
- De l'animation japonaise dirigée par David Lync

Vous pardonnerez la traduction approximative.
Le plus parlant étant sans doute Alice au Pays des Merveilles. Et dans le cas de The Haunted Vagina, nous n'en sommes pas si loin. Enfin. Si. Mais quand même. Pas tant que ça.
Il s'agit d'une nouvelle d'une centaine de pages, parue en 2006. Et lorsque j'ai lu le résumé j'ai tellement ri que j'ai un moment cru que je venais de découvrir le meilleur livre au monde.
Résumons la chose. Steve et Stacy sont en couple et tout se passe bien. Mais lors d'une nuit dénudée, Steve entend des bruits louches provenir de la région inférieure de sa bien aimée. Celle-ci lui apprend avec détachement que c'est tout à fait naturel puisque son vagin est hanté. Steve considère que c'est tout sauf naturel et rechigne un peu à approcher certaines parties de son anatomie de cet antre infernal. Bien lui en prend, puisque la nuit suivante un squelette, qui devait certainement s'ennuyer profondément à l'intérieur de Stacy, décide qu'il est temps pour lui de découvrir le monde, le vrai. C'est ainsi que Steve va se retrouver nez à nez (c'est le cas de le dire), avec un squelette (appelons le Roger), qui va s'extirper avec difficulté de sa copine. Pas très heureux qu'il provienne de l'endroit où lui seul est censé aller, Steve accueille Roger à coup de lampe, le faisant fusionner avec le tapis avant que le pauvre squelette ait le temps de dire "je viens en paix". Après un court instant de panique, et beaucoup d'alcool, Stacy prend alors la décision la plus logique qui soit : envoyer son copain en exploration dans son monde intérieur. Commence ainsi un voyage étonnant dans un univers surprenant.

Autant vous dire que l'on est plongé au cœur de l'histoire dès la première phrase.

"I’ve been scared to have sex with Stacy ever since I discovered her vagina was haunted."

Et je pense que personne n'en voudra à Steve pour ça. A part Stacy. Qui le pousse tout entier à l'intérieur pour voir de quoi il retourne. Mais avant de dévorer son amant de cette manière tout à fait inconventionnelle (si tant est qu'il existe une manière conventionnelle), nous avons le droit à un flash-back. En quelques lignes, on passe d'un roman d'urban fantasy pour le moins étrange à une comédie romantique adorable qui met en scène leur rencontre. Et c'est mignon. Ils ont fait connaissance dans un bus après s'être assoupis l'un contre l'autre en rentrant du travail. Stacy lui a alors proposé de venir continuer à dormir chez elle. Steve, qui avait naïvement pensé que dormir signifiait "s'envoyer sauvagement en l'air dans toutes les pièces de la maison", la suit, intéressé. Je vous avais dit que c'était mignon ! Mais en fait, Stacy pensait bien à dormir. Et c'est ce qu'ils vont faire. Pendant plusieurs jours ils vont se retrouver pour dormir, sans réellement parler. Puis ils vont commencer à faire connaissance, et un manteau à 200$ offert à un SDF vulgaire plus tard, ils se déclaraient leur amour.

Une fois cette parenthèse refermée, nous revoici face au vagin de Stacy. Non non, ce n'est pas une blague. Après avoir tenté de convaincre sa chère et tendre que toute cette histoire n'est pas une très bonne idée, le pauvre Steve se retrouve nu, le crâne rasé et couvert de produit huileux, prêt à se rendre dans ce nouveau monde. Un monde habité, visiblement, par l'amie d'enfance de Stacy.

" When she was six years old, for a few months, she had an imaginary friend who used to come out of her vagina to play with her".

Oui, tout à fait. La drogue est interdite Mr Mellick, vous en avez conscience ? Après avoir rampé de manière assez inconfortable, Steve émerge la tête au milieu d'une falaise. Dont il tombe malencontreusement. Il va alors découvrir un univers au ciel violacé, boisé et, bien sûr, habité. Laissez-moi vous dire que le jeune homme n'est pas particulièrement rassuré. En effet, comme il le dit si justement :

"Who knows what kind of weird creatures live inside of Stacy's vagina..."

Après quelques péripéties mineures, il réussit à remonter le long de la falaise et à s'extraire du corps de sa petite amie. Celle-ci lui déclare alors qu'elle l'a senti diminuer au fur et à mesure de son avancement, ce qui signifie que son univers intérieur doit être approximativement de la taille d'un petit pois. Il ne s'agit donc pas d'une porte vers le royaume des Enfers. Voilà qui est rassurant. Stacy, loin d'être effrayée par ce qui se passe, s'empresse d'acheter du matériel pour renvoyer le pauvre Steve cartographier cet endroit incongru. Le jeune homme, qui a décidément du mal à imposer son avis, retourne donc à l'intérieur malgré le fait que ce soit le dernier endroit où il veuille se rendre. On peut le comprendre. Mais, armé d'un talkie-walkie et d'un appareil photo, tel un voyageur futuriste, Steve explore Stacy comme jamais aucune femme n'a été explorée. Et tant mieux. Vous vous en doutez, la communication inter-épiderme n'est pas facile, et les opérateurs n'ont pas encore mis au point de forfaits dans ce sens. Ils perdent vite contact. Steve fait alors la connaissance de Fig, que vous pouvez admirer sur la couverture au début de l'article. Il s'avère que Fig est l'amie d'enfance de Stacy. Ayant été rejetée par cette dernière, elle jette son dévolu sur son petit ami actuel qui commence sérieusement à se lasser de toutes ces aventures invraisemblables. Fou amoureux de la fille qu'il visite en ce moment même, il tente de s'échapper, ce qui énerve considérablement Fig. Et c'est avec ce suspens insoutenable que je vais m'arrêter.

Sans être hilarant, ce récit est drôle. Et complètement surréaliste. Il y a de très bonnes idées et les scènes étranges s'enchaînent. La fin en revanche est un peu décevante. Mais je vous le conseille vivement si vous vous débrouillez en anglais. C'est un véritable OVNI dans la littérature, et vous pourrez sans doute vous la péter auprès de ceux qui aiment la culture underground !